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À l’ère de la diplomatie numérique : la communication des États sur les réseaux sociaux

Dans le cadre de son programme de stage, Navigator demande à ses stagiaires d’écrire un article sur l’intersection des communications et un domaine d’intérêt personnel. Lou-Joris Lavoie-Rondeau se penche cette semaine sur l’intersection des médias sociaux et de la politique.

En 2017, il semble plutôt inconcevable pour un État de ne pas être présent sur les réseaux sociaux. Matthias Lüfkens, auteur du blog Twiplomacy, estime que 92 % des chefs d’États et/ou pays membres des Nations-Unis sont actifs sur Twitter, 88 % sur Facebook et 73 % sur Instagram (Lüfkens 2017). Ce qui a commencé avec une expérimentation de communication diplomatique par un nombre restreint de diplomates en Suède et aux États-Unis, s’est imposée comme la norme pour la grande majorité des départements d’affaires étrangères à travers le monde.

Pourtant, le potentiel des réseaux sociaux a longtemps été sous-estimé par les différents gouvernements. La résistance face à ces nouveaux outils émane de la nature publique et transparente des réseaux sociaux, alors que la politique étrangère est traditionnellement basée sur des négociations en privé et réservée à un club exclusif d’acteurs.

Lorsqu’on observe aujourd’hui l’utilisation généralisée de ces nouveaux médias par les chefs d’État et leurs pays respectifs, il est devenu évident que l’utilisation des réseaux sociaux a profondément transformé la manière de faire de la diplomatie. Il s’agit certes d’un instrument efficace, mais qui comporte également des limites et des risques importants. L’utilisation excessive de Twitter par le président des États-Unis est sans aucun doute l’exemple type des risques politiques et diplomatiques associés à une mauvaise communication sur les réseaux sociaux.

Dans un contexte où la diplomatie numérique opère une influence considérable sur la conduite de la politique étrangère, il semble pertinent de se pencher sur l’influence réelle des réseaux sociaux et de leur impact sur la communication des États.

La diplomatie numérique en action: «Make Our Planet Great Again»

Ilan Manor, auteur du blog The Digitalization of Diplomacy, étudie l’évolution de la diplomatie numérique à l’université d’Oxford. Selon lui, les réseaux sociaux ont bel et bien changé la pratique de la diplomatie. Elle englobe désormais un nombre beaucoup plus diversifié d’acteurs et se pratique de manière plus ouverte et transparente. Le chercheur caractérise le phénomène de la diplomatie numérique comme étant « l’utilisation des médias sociaux par un État pour atteindre ses objectifs de politique étrangère ainsi que pour façonner son image nationale » (Manor 2017).

Autrement dit, au même titre que la diplomatie traditionnelle, la diplomatie numérique a pour objectif de promouvoir l’identité et les intérêts de l’État sur la scène internationale. Les guerres d’influence et de pouvoir entre les gouvernements se transposent en ligne alors que l’image et les valeurs qu’ils projettent via l’internet deviennent une source importante de puissance. Les réseaux sociaux permettent aux gouvernements de communiquer directement un message au public, et ce, sans filtre médiatique. Ils sont devenus un outil puissant pour mobiliser l’appui de l’opinion publique et pour gagner de l’influence.  

Le gazouillis « Make Our Planet Great Again » publié en réponse à l’annonce du retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat par le président français, Emmanuel Macron, est particulièrement révélateur pour bien comprendre le potentiel des réseaux sociaux en politique étrangère.

En détournant habilement le « Make America Great Again » de Donald Trump, Emmanuel Macron a su communiquer un message symboliquement fort à l’ensemble de la communauté internationale : la France est prête à prendre un nouveau leadership en matière de lutte contre les changements climatiques.

Partagé à près de 236 000 reprises, ce gazouillis a non seulement fracassé le record de partage en France, mais a permis en quelques secondes, de refaçonner l’image du pays. En un seul gazouillis, la France se repositionnait comme un leader du XXIe siècle, qui ne craint pas de s’affirmer devant un président américain omnipotent. Emmanuel Macron a été en mesure de présenter le visage d’un pays moderne et ouvert sur le monde, une France axée vers le progrès, la science et l’environnement.

Le gazouillis d’Emmanuel Macron est également révélateur quant à l’importance des médias sociaux dans l’évolution du phénomène de personnification de la politique étrangère. La présence des chefs d’État sur le web est également devenue une part essentielle de la diplomatie numérique. Alors que l’influence des leaders est de plus en plus jugée sur la base de leur popularité numérique, la réputation des pays est désormais intimement liée à l’image de leur chef et de leurs représentants diplomatiques. Un chef d’État absent en ligne est un chef d’État qui perd en visibilité et donc, en influence.

Une nouvelle génération de chefs d’État qui exploite efficacement la diplomatie numérique

Le Canada s’avère un cas intéressant d’analyse lorsqu’on discute les enjeux de diplomatie numérique. En effet, selon le Nation Brands Index, le Canada a historiquement profité d’une excellente réputation sur la scène internationale et son premier ministre, Justin Trudeau, est extrêmement populaire. Le premier ministre canadien utilise d’ailleurs abondamment les réseaux sociaux pour promouvoir l’image du Canada sur la scène internationale, alors que Twiplomatie le place au 25e rang des chefs d’État les plus influents sur les réseaux sociaux.

Issu d’une autre génération de chef d’État, Justin Trudeau prouve lui aussi qu’il est capable d’exploiter habillement les médias sociaux de manière à promouvoir l’image d’un Canada moderne, ouvert et accueillant. D’ailleurs c’est un gazouillis de Justin Trudeau qui s’est avéré la publication la plus virale en 2017 parmi les chefs d’État. C’est en réponse au décret anti-immigration de Donald Trump, que Justin Trudeau a publié sur Twitter le 26 janvier dernier « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera… ». Ensemble, les versions anglaise et française de ce gazouillis ont été partagées près d’un demi-million de fois !


Cet exemple démontre également le potentiel inouï des réseaux sociaux pour promouvoir massivement et instantanément les valeurs de l’État alors que ce message a été repris dans tous les grands médias nationaux. Dans un contexte de crise migratoire mondiale qui pousse les pays à fermer leurs frontières, le gazouillis de Justin Trudeau renforce la réputation du Canada comme un pays accueillant et ouvert à l’immigration.

La diplomatie numérique a-t-elle des limites ?

Certes, l’utilisation des médias digitaux dans la conduite de la politique étrangère est devenue un outil de communication incontournable de diplomatie pour les États. Spécialiste des affaires étrangères et auteur du Nation Brands Index, Simon Anholt souligne néanmoins qu’une mauvaise utilisation des réseaux sociaux dans le cadre de la diplomatie numérique a le potentiel d’affecter négativement la crédibilité des acteurs qui exploitent ces instruments.

Malgré l’importance grandissante accordée à la puissance de l’image dans nos sociétés, le chercheur affirme que « les pays sont jugés sur ce qu’ils font, ils ne sont pas jugés sur ce qu’ils disent. Cela a toujours été le cas. Pourtant, cette idée qu’un pays peut simplement développer une image de marque pour améliorer sa réputation est une tendance pernicieuse et étonnamment résistante » (Anholt 2013).

L’utilisation répandue des réseaux sociaux par les chefs d’État soulève la question de la limite de l’exercice de la diplomatie numérique. Selon les spécialistes de cette pratique, les États ont tendance à développer de plus en plus une stratégie de communication qui s’apparente au marketing plutôt qu’à la diplomatie. Caractérisée de nation branding, cette approche vise, à l’instar du secteur privé, à développer et à promouvoir une image « de marque » de l’État plutôt que de faire la promotion de politiques et d’actions concrètes.

La diplomatie numérique de Justin Trudeau en matière de lutte contre les changements climatiques s’avère un exemple intéressant de ce phénomène. En effet, le premier ministre canadien a affirmé à plusieurs reprises la volonté du Canada de s’affirmer comme un leader dans ce domaine. D’ailleurs, dans le cadre de la COP21, le premier ministre a fièrement publié sur Twitter que « Le Canada est de retour », en référence au désinvestissement du gouvernement précédent sur la scène internationale, particulièrement en matière d’environnement. Or, le Canada conserve officiellement les cibles de son prédécesseur en matière de climat et il semble évident que le pays ne remplira pas ses engagements en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Ce qui pousse certains observateurs à affirmer que l’utilisation des réseaux sociaux par Justin Trudeau et son gouvernement sert principalement à promouvoir la marque « Justin Trudeau » plutôt que les politiques du Canada. Effectivement, le lien avec le branding peut sembler évident alors que le premier ministre canadien est reconnu pour ses selfie, son sexappeal et son style branché.

À quel point cette distorsion entre les messages véhiculés sur les réseaux sociaux et les actions réelles entreprises par les États peut avoir un impact négatif sur la crédibilité et la réputation du pays et de son chef ? Actuellement, il semble impossible de répondre à cette question considérant la nouveauté du phénomène. Il n’en demeure pas moins que l’efficacité de la diplomatie numérique pousse les États à exploiter les limites de cet instrument alors que les conséquences liées à ces nouveaux outils sont encore mal comprises. Les réseaux sociaux comportent des risques et ils doivent être pris en considération par les chefs d’État et les équipes de communication.

 

Mise à jour financière et économique du Québec

Contexte

Dans un contexte économique favorable qui a aidé à dégager une croissance annuelle de 2,5 % au deuxième trimestre et à réduire le taux de chômage (6,1 % en octobre), les coffres du gouvernement québécois disposaient d’un surplus de 2,6 milliards après seulement cinq mois de l’exercice financier 2017-2018. Restait à savoir comment le gouvernement libéral, après de longs mois de discipline budgétaire, comptait utiliser ce surplus à moins d’un an des prochaines élections provinciales.

Le ministre des finances Carlos Leitao en a fait l’annonce hier lors de la mise à jour financière et économique à l’Assemblée nationale du Québec. Les grands axes de cette annonce sont :

  • Améliorer le niveau de vie des québécois et réduire la pauvreté.
  • Augmenter la réussite scolaire et améliorer les services fournis en santé.
  • Favoriser le développement des régions.

Il s’agit au global d’un investissement supplémentaire de l’ordre de 2 milliards de dollars où 50% de cet effort sera dirigé d’abord et avant tout vers les ménages québécois.

Les mesures annoncées

  • Baisse d’impôt pour les particuliers : réduction d’1 milliard du fardeau fiscal (soit environ une baisse de 250$/personne ou 500$/couple).
  • Soutien aux familles ayant des enfants scolarisés : 100 $ sera versé annuellement pour tout enfant âgé de 4 à 16 ans.
  • Hausses de dépenses en éducation et en santé : 1 milliard sera investi sur les 5 prochaines années, ce qui vient se rajouter aux 5 milliards déjà annoncés au printemps dernier. Cela correspond, pour le secteur de la santé, à une hausse de 4.2% pour 2017-2018.
  • Le 3ème Plan de stratégie de lutte contre la pauvreté : 2 milliards seront investis d’ici 2023. Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, annoncera dans les prochains jours les détails du programme mais a précisé que les cibles prioritaires seraient les personnes seules ou avec enfant(s).
  • Développement des régions : 667 millions seront alloués, dont 367 pour le déploiement d’infrastructures permettant un meilleur accès à l’Internet très haute vitesse.

À noter également l’annonce d’un réajustement de la taxe scolaire, qui fera l’objet de discussions avec les Commissions Scolaires.

Perspectives stratégiques

À moins d’un mois des fêtes de noël – et moins d’un an des prochaines élections provinciale – il s’agit là d’une des dernières cartes du gouvernement libéral pour marquer des points auprès de l’opinion publique alors que celui-ci est talonné de près dans les sondages par la CAQ et que son récent remaniement ministériel ne semble pas avoir changé significativement la donne.

En évitant de trop de saupoudrage, et en concentrant ses efforts sur les ménages québécois, le gouvernement souhaitait sans doute couper l’herbe sous le pied de la CAQ tout en essayant de réinvestir également dans les services publics.

Cela veut également dire qu’au final :

  • Le surplus estimé de 1,7 milliard en juin dernier sera vite avalé par les baisses d’impôts annoncées aujourd’hui;
  • Les allégements fiscaux pour les entreprises attendront le budget du printemps prochain.

Il devient de plus en plus épineux pour Justin Trudeau de marcher sur la corde raide de Donald Trump

M. Trump verra assurément dans l’engagement de M. Trudeau d’augmenter les dépenses dans la défense un argument tactique non seulement à l’égard des négociations de l’ALÉNA à venir, mais également à celui des négociations futures avec son gouvernement.

Cet article est d’abord paru dans le Toronto Star le 11 juin 2017.

La semaine dernière, le ministre de la Défense Harkit Sajjan a annoncé l’engagement du gouvernement Libéral à augmenter de plus de 70 pour cent le budget affecté à la défense d’ici 10 ans, soit un bond annuel de 18,9 à 37,2 milliards de dollars.

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a indiqué que cette augmentation découlait de la volonté du Canada de jouer un rôle de chef de file mondial — alors que les États-Unis effectuent un repli.

Alors que les États-Unis reculent devant leurs engagements à tire de chef de file mondial, madame Freeland argue que le Canada doit se lever, faire sa part et élaborer son propre plan d’action.

Les États-Unis semblent être de plus en plus à la traîne sur le plan international et se ranger du mauvais côté de l’histoire.

La plus grande économie mondiale menace de se retirer de l’Organisation mondiale du commerce. Le président des États-Unis refuse de s’engager à respecter le principe fondamental de l’OTAN. Le pays s’est officiellement retiré de l’Accord de Paris sur les changements climatiques et du Partenariat transpacifique. Et l’amitié virile de Donald Trump avec les autocrates de la planète place de plus en plus les États-Unis en marge des organisations multilatérales internationales.

Dans son allocution à la Chambre des Communes mardi, madame Freeland a évoqué l’augmentation des sommes affectées à la défense lorsqu’elle a affirmé que « se fier uniquement au bouclier protecteur des États-Unis ferait de nous un État client » et « une telle dépendance ne serait pas dans l’intérêt du Canada ».

L’allocution de madame Freeland et l’annonce de monsieur Sajjan sont une admission du fait que les États-Unis ne sont plus un allié prévisible et fiable, qu’ils adoptent une direction fondamentalement différente de celle du Canada et des autres pays développés et que le moment est venu pour le Canada de défendre ses positions.

Madame Freeman est claire : le moment est venu pour le Canada d’être un leader.

En bref, c’est le discours auquel le gouvernement souhaite que les Canadiens s’accrochent. Et force est de reconnaître que le message commence à faire son effet.

Mais il pourrait y avoir autre chose en jeu.

Depuis la campagne présidentielle, le président Trump remet vigoureusement en question l’article 5 de l’OTAN. Il a qualifié ce dernier de désuet, argue que 23 des 28 nations membres n’affectent pas suffisamment d’argent à la défense et laisse entendre que même si elles commençaient à y mettre deux pour cent de leur PIB, cela ne suffirait pas.

L’an dernier, la contribution du Canada atteignait 1,19 pour cent de son PIB. L’annonce de la semaine dernière portera le budget affecté à la défense à 1,4 pour cent, soit une augmentation substantielle.

Les hauts représentants de la Maison Blanche ont rapidement accueilli favorablement l’annonce du Canada. Le secrétaire d’État américain à la Défense James Mattis s’est dit « rassuré par les nouvelles concernant la politique du Canada en matière de défense » et un porte-parole de la Maison Blanche a publié sur son compte Twitter que l’augmentation des dépenses du Canada en matière de défense indiquait que les efforts de monsieur Trump commençaient à porter leurs fruits.

M. Trump, qui ne se lasse pas de nous rappeler qu’il est un négociateur hors pair, verra assurément dans l’engagement de M. Trudeau d’augmenter les dépenses dans la défense un argument tactique non seulement à l’égard des négociations de l’ALÉNA à venir, mais également à l’égard des négociations futures avec son gouvernement.

Dans un éclair de génie stratégique, M. Trudeau et ses ministres ont réussi à élaborer un exposé narratif au sujet de l’indépendance et du multilatéralisme du Canada — Le « Modèle canadien » — tout en apaisant M. Trump grâce à un engagement dont l’enjeu est central pour son administration.

Les acteurs politiques savent que les politiques intérieures prévalent sur les politiques étrangères.

Et au pays, M. Trudeau ne demanderait pas mieux que d’être vu comme l’anti-Trump.

Il n’a toutefois pas le loisir de critiquer publiquement le président américain, comme l’ont fait ses homologues Français et Allemand. Les enjeux sont tout simplement trop grands pour le Canada.

Lorsqu’il s’agit des relations États-Unis – Canada, il est plus difficile que jamais pour le premier ministre et son gouvernement d’obtenir l’appui des Canadiens sans se mettre à dos nos voisins du sud.

Ce à quoi nous avons assisté la semaine dernière illustre très bien le défi ce que cela représente. Il est clair que l’exercice d’équilibrisme de M. Trudeau n’est pas appelé à devenir plus aisé dans l’avenir.

Jaime Watt est président exécutif de Navigator Ltd. et stratège conservateur.

Ce que nous avons à apprendre de Jon Jones en matière d’intervention de crise

Le 6 juin 2016, quelques jours à peine avant l’un des combats les plus médiatisés de l’UFC, le vice-président de la santé et de la performance des athlètes de l’UFC a annoncé en point de presse que Jon Jones, ancien champion des poids mi-lourds, n’affronterait pas le champion en titre Daniel Cormier parce qu’il avait échoué un test antidopage.

Jones a eu droit à une suspension d’un an, qui est toujours en vigueur, mais l’UFC a déjà annoncé qu’il affrontera Daniel Cormier pour la ceinture à l’occasion de l’UFC 214. À la suite de la conférence de presse relative à l’UFC 214, les fans ont acclamé le retour de Jones et l’on s’attend à ce que ce combat soit le plus regardé de toute l’histoire de l’UFC.

Comment cela a-t-il pu arriver? Comment celui qu’on a accusé de tricher et qui a des antécédents de scandales publics a-t-il pu rétablir sa réputation et regagner la confiance et l’admiration des fans? En réponse aux allégations de l’agence américaine antidopage (USADA), Jones a respecté plusieurs règles de l’intervention de crise : il a pris les devants, il a fait preuve de sincérité, d’honnêteté et d’authenticité; et ses déclarations dont demeurées cohérentes.

Au départ, l’annonce concernant le test antidopage laissait présager la fin pour cet ancien champion. Après avoir été retiré auparavant d’un autre combat contre Cormier pour avoir consommé de la cocaïne et s’être vu infliger une peine de probation pour un délit de fuite non mortel, cette dernière épreuve avait, pour les fans et l’UFC, toutes les allures d’un coup fatal. La présidente de l’UFC, Dana White, l’a même évoqué en affirmant que Jones « ne serait plus jamais une tête d’affiche ».

Moins de 24 heures après l’annonce concernant la présence de substances augmentant la performance, Jones a clamé son innocence. Il avait les yeux vitreux, sa voix cassait fréquemment et il a fondu en larmes à quelques reprises. C’était un côté de l’athlète que le public avait rarement vu auparavant. Connu pour son parcours sans faute et son attitude arrogante, Jones, qui avait remporté son premier championnat de l’UFC à l’âge de 23 ans (le plus jeune champion de tous les temps), était désormais un paria et un tricheur. Il perdrait non seulement la rémunération dans les six chiffres que lui aurait value l’UFC 200, mais il risquait une suspension de deux ans. Son moyen de subsistance était en jeu, mais peut-être plus important encore, sa réputation était en ruines; il était temps que ce combattant possédant des capacités si exceptionnelles soit accusé de tricherie; son talent surnaturel était probablement attribuable à l’usage de stéroïdes.

Dès le départ, Jones se disait innocent, arguant que soit les résultats du test étaient erronés ou soit il avait pris un supplément sans le savoir. Dans un cas comme dans l’autre, Jones ne serait pas coupable de cette tricherie alléguée et subirait une punition plus clémente, le cas échéant. Également, sur le plan de l’opinion publique, l’une ou l’autre de ces deux explications aurait pour effet d’exonérer l’athlète et de rétablir sa réputation.

En répondant aux questions des journalistes, Jones a dû s’arrêter à plusieurs reprises pour se ressaisir et essuyer ses larmes. D’une voix tremblante, il s’est excusé auprès de ses fans et des détenteurs de billets, a parlé des nombreux échelons qu’il aurait à gravir de nouveau pour prouver la légitimité de ses victoires. Il s’est aussi excusé auprès de son adversaire, Daniel Cormier. Jones s’est complètement effondré, réussissant à peine à prononcer les mots « je suis désolé » tout en essuyant ses larmes. Cormier, ancien lutteur olympique de 38 ans reconnu pour son professionnalisme et son positivisme, a été un excellent faire-valoir pour le petit arriviste de Jones. À 29 ans, Jones était connu pour ses frasques et ses critiques envers ses adversaires (il s’est vanté d’avoir battu Cormier « une semaine après avoir fait de la coke »). Mais ce moment de vulnérabilité a permis au public de se rapprocher de Jones et de comprendre sa détresse; il a donné de la crédibilité à l’histoire.

En fin de compte, Cormier a pardonné Jones. Il a dit que l’ancien champion était leur seul adversaire qu’il souhaitait vraiment affronter et qu’il attendrait la fin de sa suspension pour ce faire. Cormier a ainsi aidé les fans délaissés à pardonner Jones; ils voulaient voir le combat, ils avaient payé pour le voir et ils pourraient toujours y avoir accès, mais simplement à une date ultérieure.

Tous au long du processus – le premier point de presse, les semaines de reprise des tests antidopage avec d’autres échantillons sanguins et d’autres suppléments, puis l’exonération –, Jones a maintenu sa version des faits. Bien que certains éléments aient été révélés lentement (par exemple le fait que les résultats positifs étaient attribuables à l’utilisation de médicaments sans ordonnance visant la dysfonction érectile), l’idée principale est demeurée constante : Jones n’avait pas utilisé de substance augmentant la performance et n’avait pas triché, et les résultats étaient forcément le résultat d’une quelconque erreur humaine. Jones n’avait pas à gérer plusieurs mensonges. Il a plutôt communiqué au public ce qu’il savait et il se savait innocent.

En respectant ces trois principes – donner sa version des faits sans tarder; faire preuve de sincérité, d’honnêteté et d’authenticité et ne pas déroger de son message –, il a été en mesure de retourner à l’AFC sans que sa réputation ne soit trop affectée. Lors de la conférence de presse annonçant le retour de Jones, les fans ont acclamé ce dernier et hué Cormier. La reprise du combat n’aura lieu que dans quelques mois (et Jones a encore le temps de faire des bêtises), mais il semble que toutes les parties soient prêtes à repartir à neuf et à donner une deuxième chance à l’ancien champion. Si Jones n’avait pas suivi ces règles d’intervention de crise, il pourrait bien ne pas être en train de se préparer en vue du combat de l’UFC 214 et il pourrait même être tout simplement exclu de l’UFC.

Du soleil à l’horizon pour le Parti Conservateur

Aujourd’hui, le Parti Conservateur est dirigé par un jeune chef qui travaille en collaboration avec plusieurs jeunes députés prometteurs et dispose de fonds dont l’abondance frise l’absurdité.

Cet article est d’abord paru dans le Toronto Star le 4 juin 2017.

La campagne à la chefferie est maintenant terminée, mais elle a ouvert un nouveau chapitre pour ce parti qui avait besoin de renouveau.

Tout parti qui a été au gouvernement et qui est ensuite défait fait face à certains défis. Sa marque a été ternie par les critiques des partis de l’opposition et des médias. Ses acteurs sont fatigués et les récriminations ne tardent pas à se manifester.

Le renouveau peut être un processus long et difficile qui peut s’échelonner sur plusieurs cycles électoraux. Les situations vécues par le Parti Libéral fédéral en 2006 et par le Parti progressiste conservateur de l’Ontario en 2003 démontrent bien comment un exil temporaire peut se transformer en traversée du désert.

Le Parti Conservateur du Canada a de quoi célébrer depuis le week-end dernier.

On aurait pu croire qu’à l’issue d’une si longue campagne au leadership, le parti n’aurait pas tant de raisons de se réjouir. Les commentateurs et les analystes des médias avaient qualifié les concurrents de has been ou d’amateurs et avaient insisté sur le fait que les joueurs les plus éminents avaient décidé de ne pas se présenter. Ils avaient qualifié les politiques proposées de sans intérêt.

Mais aujourd’hui, le Parti Conservateur se trouve en bonne position.

Son financement déjà prodigieux a augmenté, même en plein cœur d’une campagne au leadership dont les 14 candidats recueillaient des fonds auprès du même bassin de donateurs.

Les grands acteurs dont les médias ont dit qu’ils étaient restés à l’écart de la course sont simplement passés à autre chose. Jason Kenney est déménagé en Alberta et s’est joint au mouvement conservateur de sa province, offrant ainsi à celle-ci une occasion de rejoindre la famille conservatrice lors des prochaines élections.

John Baird et Peter MacKay sont retournés dans le monde du travail, mais ont signalé leur intention de soutenir vigoureusement le parti.

Et, plus important encore, les candidats qui ont été relégués au deuxième niveau ont démontré leur capacité à assumer des responsabilités.

Au Canada, le mouvement conservateur a tendance à éclater de temps à autre. La scission qui a eu lieu en 1993 entre les progressistes conservateurs et le Reform Party, et la scission entre les partis de droite en Alberta sont les exemples les plus récents de la fragilité du mouvement.

Autrefois, un résultat aussi serré que 50,5 contre 49,5 pour cent dans une course au leadership aurait eu pour effet, à tout le moins, d’accroître les tensions et les frustrations au sein du parti. Mais les dirigeants et les activistes du parti semblent être conscients de l’importance fondamentale d’afficher un parti solide et uni pour affronter les libéraux avec succès.

La course au leadership a permis d’attirer l’attention sur de nouveaux visages. Plusieurs députés qui étaient plutôt dans l’ombre pendant l’ère Harper sont devenus des acteurs importants.

Erin O’Toole, Maxime Bernier, Michael Chong et plusieurs autres candidats ont peut-être perdu la course au leadership, mais ont assurément rehaussé leur profil. Chacun d’entre eux peut se vanter d’avoir communiqué sa perspective aux membres du parti, d’avoir fait des adeptes et d’avoir augmenté sa visibilité médiatique. Ils ont eu peine à sortir de l’ombre des joueurs conservateurs plus imposants du gouvernement Harper, mais ils sont su démontrer qu’ils étaient prêts à prendre les rênes du parti.

L’élection d’Andrew Scheer à la tête du parti annonce la fin d’un Parti Conservateur parfois rigide. M. Scheer semble résolu à donner à son parti un cadre axé sur la croissance pour les Canadiens. Ce ton sera le bienvenu chez les membres du parti.

Les courses au leadership laissent souvent dans leur sillage des égos blessés et des plaies ouvertes. S’ensuivent souvent des périodes d’introspection et de frustration.

Rien de tel n’a transparu de façon évidente cette semaine.

Au contraire, les nouveaux occupants des premières banquettes conservatrices semblent satisfaits des résultats et ravis de l’orientation du parti. Aucun signe du mécontentement et des récriminations habituels.

Bon nombre de députés conservateurs sont nouvellement élus; le renouvellement générationnel faisait partie des objectifs de la machine politique Harper à l’approche des élections de 2015.

Il s’agit d’une voie choisie avec prévoyance. Aujourd’hui, le Parti Conservateur est dirigé par un jeune chef qui travaille en collaboration avec plusieurs jeunes députés prometteurs et dispose de fonds dont l’abondance frise l’absurdité.

Du soleil à l’horizon en effet!

Jaime Watt est président exécutif de Navigator Ltd. et stratège conservateur.