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Noël est dans six semaines, mais la saison des cadeaux a déjà commencé à Ottawa. Cette semaine, le NPD a remis un gros cadeau à Erin O’Toole lorsque le député Charlie Angus a confirmé lundi qu’une «première conversation» avait eu lieu entre le chef du NPD, Jagmeet Singh, et le premier ministre, Justin Trudeau, au sujet d’une éventuelle coopération libéral-NPD lors de la nouvelle session parlementaire.
Du même souffle, Angus a minimisé l’importance de la conversation comme n’étant rien de plus qu’une «première rencontre», mais le mal était fait. Les journalistes se sont lancés à la recherche de sources supplémentaires: deux sources du NPD ont déclaré à Global News que les discussions étaient «informelles», tandis qu’une source libérale, semblant tout droit sortie de l’ancienne émission Yes Minister de la BBC, a déclaré à la CBC qu’«il n’est pas exact de dire qu’il y a un accord ou des pourparlers formels pour conclure un éventuel accord formel.»
O’Toole a immédiatement sauté sur la nouvelle, déclarant lundi qu’un accord entre le NPD et les libéraux était une notion «radicale» qui entraînerait «des milliards de dollars de nouvelles dépenses pour acheter le silence de Jagmeet Singh». Il a aussi martelé ce message lors d’une conférence de presse mardi matin, où il a dévoilé les changements apportés à son cabinet fantôme. Cela comprenait le retour du chien de garde Pierre Poilievre en tant que porte-parole en matière de Finances, dont le principal travail sera de tenir les libéraux responsables de la hausse de l’inflation. «Je veux quelqu’un qui sera tenace», a expliqué O’Toole, offrant un autre signe que l’abordabilité sera la carte de visite des conservateurs lorsque la Chambre reprendra dans quelques semaines.
Cette histoire de coalition a donné à O’Toole une ouverture – certains diraient une bouée de sauvetage – pour remplacer le narratif des récentes controverses sur la vaccination dans son caucus par un focus sur l’économie, et pour qualifier les conservateurs de champions des familles canadiennes. Selon O’Toole, «nous serons le porte-voix de la classe moyenne. Pour tous ceux qui luttent contre la hausse du coût de la vie.»
Et les coûts explosent en effet: 4,1% d’inflation en août, par rapport à un an plus tôt, et 4,4% pour septembre. La Banque du Canada prévoit que l’inflation pourrait atteindre 5% d’ici la fin de l’année. Alors que la BdC dit que le phénomène est «transitoire», elle prédit aussi maintenant qu’il ne sera pas «de courte durée», ce qui signifie qu’il pourrait durer plus longtemps que l’espérance de vie typique de 18 mois d’un gouvernement minoritaire.
C’est une mauvaise nouvelle pour Trudeau. Cela survient également juste après la disparition du ministère de la Prospérité de la classe moyenne du premier ministre, tant vanté, de son nouveau cabinet. Trudeau a bourré son équipe d’acolytes de gauche et de grands dépensiers, tout en montrant la porte à des voix plus pragmatiques comme Marc Garneau et Jim Carr. Un tel cabinet n’est pas seulement prêt à mettre en œuvre une vision du gros gouvernement; il est probablement plus favorable aux types de politiques réclamées par les néo-démocrates, dont dépendent désormais les libéraux.
Ce type d’alliance, formelle ou non, placerait Trudeau dans une impasse. Ses électeurs s’attendent à ce qu’il tienne ses promesses de dépenses, y compris celle des garderies. Mais injecter plus de dépenses gouvernementales dans l’économie aggrave l’inflation, et plus de dette fédérale augmente la perspective de futures hausses d’impôts. Il n’est pas clair si les électeurs voudront payer plus pour un gros gouvernement s’ils paient déjà plus pour l’essence, la nourriture et le logement.
C’est alors qu’entrent en jeu les conservateurs, qui ont tendance à faire mieux, et à présenter un front plus uni, lorsqu’ils se concentrent sur les questions économiques, plutôt que sur les questions sociales, qui tendent à les diviser. Et ça, O’Toole et le brain-trust conservateur le savent.
Ils savent aussi autre chose: que la base conservatrice se souviendra probablement de la dernière fois que le mot «coalition» a fait son apparition. C’était le 1er décembre 2008, lorsque les chefs des libéraux, du NPD et du Bloc Québécois ont signé un accord pour créer une coalition officielle visant à évincer du pouvoir le premier ministre conservateur minoritaire Stephen Harper. Cet accord a entraîné de graves bouleversements politiques, qui ont vu le Parlement prorogé, le chef libéral Stéphane Dion démissionner et aider Harper à remporter la majorité trois ans plus tard.
Un autre accord de coalition entraînera-t-il à nouveau des problèmes pour les libéraux? Si les conservateurs peuvent s’unir, se mobiliser et élargir leur base autour de la question qui compte le plus pour les Canadiens, la réponse est oui. Et avec le problème de l’abordabilité, O’Toole vient peut-être de trouver la clé.