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Perspectives | Édition 10

Notre magazine d'idées et de nouvelles façons de penser

La pandémie a ouvert la porte au programme national de garderies inspiré du modèle québécois

29 avril 2022
Patrick Doyon
Patrick Doyon | Directeur Principal
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Pendant la dernière campagne électorale, le gouvernement Trudeau a clairement affiché son intention d’instaurer un service de garde d’enfants à 10 dollars par jour. Cette promesse n’est pas née du hasard. Les sondeurs du Parti libéral du Canada ont certainement perçu les mêmes choses que l’équipe de recherche de Navigator.

Au lendemain des élections de 2021, nous avons rencontré plusieurs Canadiens pour comprendre pourquoi ils avaient voté pour les libéraux. Nous avons été frappés de constater que la pandémie de COVID-19, combinée aux augmentations de plus en plus répandues des prix des biens et des services, a aiguisé les inquiétudes des Canadiens au sujet des inégalités sociales et des obstacles financiers pour l’accès aux services essentiels, telle la garde d’enfants.

De plus, l’aide versée par le gouvernement fédéral pour compenser les effets dommageables de la pandémie a été tellement appréciée qu’elle a changé l’opinion des Canadiens au sujet de l’action des gouvernements. Désormais, les Canadiens veulent un état actif, qui intervient pour combattre les inégalités sociales.

C’est dans ce contexte que le gouvernement Trudeau a décidé de lancer un nouveau programme national de garde d’enfants à prix modique. Il est intéressant de se rappeler le chemin parcouru par le Québec, le précurseur de ce nouveau projet pancanadien.

En 1997, sous l’influence de Pauline Marois, alors ministre de l’Éducation, le gouvernement de Lucien Bouchard lançait les garderies à 5 dollars. À l’époque, le débat autour des garderies subventionnées était des plus politisés. Certains allaient jusqu’à dire que le gouvernement péquiste voulait endoctriner les enfants dès le berceau… mais près de 25 ans plus tard, force est de constater que c’est Mme Marois qui avait vu juste.

Ce grand projet a eu un impact important sur le milieu du travail, plus précisément sur la carrière de milliers de femmes. En 2008, dix ans après la mise en place du programme des services de garde subventionnés, une étude réalisée par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke révélait que le programme avait incité plus de 70 000 mères à occuper un emploi, ce qui s’est traduit par une hausse du taux d’emploi global au Québec de 1,78 %, et une hausse du PIB de 5,1 milliards de dollars (« Les garderies à 7 dollars sont rentables, selon une étude », 2012). Près de vingt ans plus tard, soit en 2016, cette progression était encore plus marquée et 232 000 enfants fréquentaient les services de garde. La proportion de femmes âgées entre 20 et 44 ans ayant intégré le marché du travail était passée de 76% à 85 %, alors que cette proportion est restée à peu près la même, de 78 % à 80 %, dans les autres provinces canadiennes durant la même période (« Les CPE ont permis de faire reculer la pauvreté au Québec », 2017).

Depuis l’existence du programme dans la Belle Province, on remarque que le nombre de familles monoparentales recevant de l’aide sociale a chuté de 64 %. Plus encore, entre 1998 et 2014, le taux de pauvreté estpasséde38%à23% («Les CPE ont permis de faire reculer la pauvreté au Québec », 2017). Naturellement, il se trouvera toujours des détracteurs pour juger que la société québécoise paye beaucoup trop cher pour ce programme et que, ultimement, celui-ci devrait être revu en profondeur, sinon carrément aboli. Je répondrai à ceux-ci en m’appuyant sur l’opinion du distingué professeur américain James Heckman. Selon ce récipiendaire du Prix Nobel en économie, peu de politiques sociales offrent un meilleur rendement sur investissement. Toujours selon le professeur, les bénéfices du programme de CPE sont encore plus évidents lorsqu’il est question d’enfants issus de milieux défavorisés et que les services de garde offerts sont de qualité (« Analyse : les garderies à la rescousse de l’économie canadienne », 2021). Les propos du professeur Heckman sont corroborés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui considère que l’accès à des services de garde abordables se veut l’un des meilleurs moyens pour inciter les femmes à rejoindre le marché du travail. En fait, l’OCDE souligne qu’avant la mise en place des Centres de la petite enfance, le taux de participation des femmes au marché du travail accusait un retard de 2,7 points de pourcentage sur la moyenne canadienne, alors qu’en 2019, il la surpassait de 3,3 points. (« Analyse : les garderies à la rescousse de l’économie canadienne », 2021).

Il apparaît souhaitable que les concitoyens canadiens se dotent d’un service de garde de qualité comparable à celui instauré au Québec, mais cela devra se faire sans ingérence dans la gestion des CPE québécois et en offrant à la province la compensation financière qui lui revient.

Le projet mis en œuvre par le gouvernement Trudeau sera l’un des plus importants programmes sociaux à voir le jour au Canada depuis les 25 dernières années. Il n’aurait probablement pas vu le jour n’eut été de la pandémie et de son impact sur l’opinion publique canadienne.

Je ne peux m’empêcher de sourire en pensant qu’il sera calqué sur celui de Mme Marois, une souverainiste de la première heure. C’est pour dire… On est fait pour vivre ensemble !

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À propos de l'auteur :

Patrick Doyon
Patrick Doyon | Directeur Principal
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Établi à Montréal, Patrick Doyon possède une solide expérience dans le domaine des relations gouvernementales provinciales, de même que des compétences spécialisées en matière de communications et de relations publiques. Depuis toujours, Patrick est animé par la volonté d’aider ses clients à intervenir plus efficacement auprès des gouvernements. D’ailleurs, avant de se joindre au bureau montréalais de Navigator, ce dernier a travaillé pendant 11 ans au sein d’un cabinet de relations gouvernementales où il a conseillé entre autres, plusieurs clients du milieu environnemental, énergétique et associatif.

Facilitateur né, Patrick aide les clients à préciser leurs objectifs et à déployer des stratégies pour les atteindre. Il apprécie tout particulièrement pouvoir contribuer à des campagnes de relations publiques et gouvernementales qui mobilisent plusieurs parties prenantes, en s’appuyant sur les forces et les capacités distinctives de chacune pour faire progresser un projet commun. En juin 2013, Patrick a obtenu une maîtrise en gestion des communications publiques de l’Université de Stirling, en Écosse. Il poursuit présentement ses études au niveau du doctorat à l’Université de Sussex au Royaume-Uni.

Avant de se diriger vers la consultation, Patrick a exercé des fonctions de conseiller politique auprès de la présidente du Conseil du trésor du Québec et a été responsable de la mise en place du projet de loi sur les partenariats public‑privé (P3) et de l’Agence des partenariats public‑privé du Québec.

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