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CCME

Le Sénat à la croisée des chemins

Le 13 juillet 2021
Madeleine Féquière
Madeleine Féquière | Expert Panelist
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André Pratte
André Pratte | Expert Panelist
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Le Sénat du Canada est une fois de plus sous les feux de la rampe, une position familière pour la chambre haute.

Cette fois, l’attention provient de l’hypothèse selon laquelle les sénateurs pourraient être rappelés à Ottawa pour adopter deux projets de loi prioritaires pour le gouvernement libéral : le projet de loi C-10, qui vise à modifier la Loi sur la radiodiffusion, et le projet de loi C-6, qui criminaliserait la thérapie de conversion des homosexuels.

Cet épisode est emblématique des pressions concurrentes auxquelles est confrontée notre chambre de « second examen objectif ». D’une part, lorsque les sénateurs adoptent des projets de loi trop rapidement, on leur reproche de ne pas prendre leur rôle législatif au sérieux. D’autre part, lorsqu’ils prennent le temps de délibérer en profondeur sur une législation, ils risquent d’être critiqués pour avoir bloqué le programme du gouvernement.

Le premier ministre a nommé trois nouveaux sénateurs en juin dernier, et ceux-ci se demandent sans doute ce qu’ils pourront accomplir au sein de la chambre rouge. Ils ne sont pas les seuls. Très peu comprennent la nature du Sénat et son rôle. Cette chambre a-t-elle une fonction législative ou n’est-elle qu’une simple chambre d’enregistrement du travail de la Chambre des communes ?

Aujourd’hui, à une époque de profonds changements au Canada et sous un gouvernement qui s’était initialement engagé à faire entrer le Sénat dans le XXIe siècle, la réalité est que, bien que le Sénat ait réévalué sa raison d’être en tant qu’institution, il n’a pas encore réussi à l’exprimer de façon convaincante aux Canadiens.

Si les sénateurs ne réussissent pas ce « tour de force » au cours des prochaines années, les Canadiens continueront de contester la pertinence de la Chambre rouge, comme ils le font de plus en plus depuis la Confédération.

Voyez comment la « description de poste » d’un sénateur sortant peut différer des attentes de Bernadette Clement, Hassan Yussuff et James Quinn, les nouveaux sénateurs indépendants de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick. Le fait que les nouveaux sénateurs soient désignés comme indépendants constitue une différence marquée par rapport à l’expérience de leurs prédécesseurs. Avant la tentative du premier ministre Justin Trudeau d’éliminer la partisanerie de la chambre, le Sénat était défini par la discipline partisane et la division interpartis.

Cela dit, il est important de ne pas surestimer cette différence. La plupart des sénateurs nommés selon le nouveau processus partagent largement la philosophie politique du gouvernement actuel. En outre, ils subissent toujours une très forte pression de la part du gouvernement pour travailler rapidement sur les lois prioritaires. Il reste également à voir combien de temps la structure « modernisée » restera en place, étant donné que les conservateurs ont promis un retour aux nominations partisanes lorsqu’ils formeront à nouveau le gouvernement.

La différence la plus notable dans le Sénat d’aujourd’hui est peut-être l’augmentation significative de la représentation des femmes, des peuples autochtones et des groupes minoritaires. Près de la moitié des sénateurs en exercice sont des femmes, 17 % appartiennent à des minorités visibles et 11 % sont autochtones.

Tous ceux qui ont siégé au Sénat au cours des dernières années savent à quel point l’atmosphère a changé en chambre. De nouvelles perspectives et expériences ont fait évoluer le débat et mis en lumière des considérations législatives cruciales pour ces groupes.

Surtout en ce moment, alors que la réconciliation est à l’ordre du jour et que le Canada a son premier gouverneur général autochtone, le Sénat peut être la voix des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Bien que la plupart des Canadiens l’ignorent, le Sénat peut apporter des changements positifs. Lorsqu’il fonctionne correctement, son impact législatif peut être profond — pensez au succès récent des sénateurs qui ont forcé le gouvernement à modifier son projet de loi sur l’aide à mourir. En même temps, il est un moyen essentiel d’améliorer la diversité à Ottawa. Malheureusement, ce bon travail est trop souvent enterré par une controverse sur le comportement d’un sénateur ou par une critique imméritée venant de l’autre Chambre.

Le Sénat évolue afin de devenir plus pertinent et plus utile. Cet objectif demande beaucoup de travail, de détermination et de courage. Connaissant bon nombre des sénateurs actuels et nouveaux, nous sommes convaincus qu’ils réussiront à restaurer cette institution incomprise.

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À propos de l'auteur :

Madeleine Féquière | Membre du Conseil d’experts
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Madeleine Féquière est membre du conseil d’experts du Centre canadien pour la mission de l’entreprise (CCME). Depuis 2008, Madeleine est Chef du crédit corporatif pour Domtar et administratrice indépendante d’Investissement Québec. Le leadership de Madeleine et sa capacité à développer et à gérer des stratégies commerciales internationales complexes, ainsi que sa connaissance du rôle que les institutions financières et les entreprises peuvent jouer dans la construction de changements positifs, seront les moteurs de son travail de conseil auprès du CCME.

Madeleine est titulaire d’un mini-mBA du McGill Executive Institute, d’un certificat en finance et en crédit des HEC/CIC et d’un baccalauréat de l’Université Concordia. Elle a également suivi le programme de formation des directeurs de l’ICD-Rotman. Avec plus de 25 ans d’expérience, Madeleine est une spécialiste de la gestion des risques et des opérations associées au crédit aux entreprises, de l’amélioration des conditions de crédit et du commerce mondial. Elle a travaillé sur plusieurs continents dans divers secteurs de l’économie et est parfaitement bilingue.

Entre 2000 et 2008, Madeleine Féquière a occupé des postes de direction chez AbitibiBowater, Téléglobe Canada, Microsoft/Softimage, Foxboro Canada et Archer Daniels Midland. Tout au long de sa carrière, elle a dirigé ou siégé à des comités de créanciers dans des affaires de faillite très médiatisées. Mme Féquière siège également aux conseils d’administration d’organismes publics, gouvernementaux et à but non lucratif. Elle est membre du conseil d’administration et du comité de vérification de l’Université de Montréal. Plus récemment, elle a terminé son mandat au conseil d’administration du Conseil des arts de Montréal en tant que Vice-présidente du comité exécutif et Présidente du comité de gouvernance.

En 2017, Mme Féquière a cofondé Excellence-Québec, une initiative montréalaise qui vise à relever les défis de l’inclusion, de la diversité, de l’égalité et de l’accessibilité.

André Pratte | MEMBRE DU CONSEIL D’EXPERTS
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L’honorable André Pratte est un panéliste expert du Centre canadien pour la mission de l’entreprise (CCME). André assume ces fonctions après une brillante carrière de près de 40 ans à titre de journaliste. Il a passé la majorité de celle-ci à La Presse, le plus important journal de langue française du Canada. De 2001 à 2015, il a été éditorialiste en chef de La Presse et faisait partie de l’équipe de direction de l’entreprise.

En 2016, André a été nommé au Sénat en tant que sénateur indépendant. Déçu de la partisanerie qui dominait encore le Sénat, il a démissionné de ce poste en 2019.

En 2022, André a obtenu un MBA de l’Isenberg School of Management de la University of Massachusetts.  Plus tôt dans sa carrière, il avait étudié l’économie à l’Université McGill et obtenu un baccalauréat en sciences politiques de l’Université de Montréal.

En plus de sa carrière journalistique, André a écrit plusieurs livres sur l’histoire, les médias et la politique, notamment une biographie de Wilfrid Laurier. Il a passé de nombreuses années à réfléchir à des questions comme la gestion de crise, le rôle des médias dans la société, l’acceptabilité sociale des projets, la mission des entreprises, le développement économique, le développement des immenses ressources énergétiques du Canada, et les changements climatiques.

André est aussi membre des conseils d’administration du Phare, Enfants et Familles et de la Fondation Paul Gérin-Lajoie.