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Le capitalisme participatif n’est pas mort

Le 13 avril 2021

La semaine dernière, Emmanuel Faber a démissionné de son poste de président-directeur général et de président du conseil d’administration de Danone, un fleuron de l’industrie française et l’un des leaders mondiaux de l’agroalimentaire. Faber a été contraint de quitter son poste par un groupe d’investisseurs activistes. Les fonds s’inquiétaient de la sous-performance de l’entreprise par rapport à ses concurrents : l’action de Danone était restée stable au cours des cinq dernières années, ponctuées d’une brève hausse fin 2019 suivie d’une chute qui lui a fait perdre 40 % de sa valeur.

Il ne s’agit pas d’une autre histoire de PDG évincé. L’année dernière, Danone est devenue la première grande entreprise française cotée en Bourse à devenir une « entreprise à mission ». Ce statut lui impose non seulement de générer des bénéfices pour ses actionnaires, mais aussi de le faire d’une manière qui sera bénéfique pour la santé de ses clients et de la planète. Danone a formellement été inscrite au mouvement du « capitalisme participatif », ses progrès en la matière sont évalués chaque année par un comité indépendant.

Les détracteurs de ce mouvement profitent de la chute de Faber pour lancer un énorme « je vous l’avais dit ». Comme l’a fait remarquer un actionnaire, « on ne peut pas faire du yaourt et sauver le monde en même temps ».

Les titres sensationnalistes posent la question de savoir si le capitalisme participatif survivra, ou si d’autres PDG seront désormais effrayés par l’adoption d’objectifs plus larges que le pur profit.

Ce point de vue est à la fois simpliste et opportuniste : si le départ de Faber n’est certainement pas une bonne nouvelle pour les défenseurs de la raison d’être de l’entreprise, il n’en sonne en aucun cas le glas. De l’avis général, ce départ a moins à voir avec son adhésion au capitalisme participatif qu’avec des questions de gouvernance, de gestion et de gamme de produits.

Nicolas Ceron, dirigeant de Bluebell Capital, l’un des « fonds activistes » qui ont poussé à l’éviction de Faber, résume ainsi la situation : « Notre problème avec Faber n’était pas idéologique mais opérationnel. Les concurrents de Danone comme Nestlé et Unilever font également de l’ESG [environnement, société, gouvernance] une priorité, et pourtant ils ont de meilleurs résultats financiers. »

Comme mentionné, Danone était depuis longtemps à la traîne de ses concurrents. Et puis la pandémie est arrivée. L’activité de l’entreprise était concentrée dans les yaourts, les préparations pour nourrissons et l’eau en bouteille, qui ont tous souffert d’une baisse des ventes. De plus, Danone n’était pas diversifiée dans des produits qui se sont mieux vendus, comme les produits d’entretien ménager.

UN OUI CATÉGORIQUE

La question qui se pose aujourd’hui à de nombreuses sociétés d’investissement est la suivante : une entreprise peut-elle poursuivre à la fois le profit et sa raison d’être ? La réponse, glanée au fil de décennies de recherches, est un oui catégorique. Selon une analyse de 56 études universitaires réalisée par la Deutsche Bank, « les entreprises bien notées sur le plan des facteurs ESG [environnement, société, gouvernance] ont un coût de la dette et des capitaux propres plus faible ; 89 % des études montrent que les entreprises bien notées sur le plan ESG surperforment le marché à moyen [trois à cinq ans] et à long [cinq à dix ans] terme ».

De plus, les entreprises qui réagissent simplement « dans l’instant » et qui fondent leurs décisions uniquement sur les bénéfices trimestriels ne réussissent pas aussi bien que celles qui prennent en compte une vision à plus long terme.

Des recherches menées par le cabinet de conseil McKinsey et l’organisation à but non lucratif FCLT Global ont établi que « les entreprises qui recherchent des résultats à long terme obtiennent de meilleurs résultats que celles qui optimisent leurs résultats à court terme ».

Ce qui s’est passé récemment chez Danone est davantage lié au style de gestion controversé d’Emmanuel Faber et aux spécificités des secteurs d’activité de l’entreprise qu’au mouvement en faveur des entreprises à mission. Quoi qu’il en soit, il semble que le prochain président-directeur général, même s’il souhaite se concentrer sur les exigences à court terme de certains actionnaires, ne pourra faire autrement que de tenir compte de la culture de l’entreprise. En effet, dans le communiqué de presse annonçant l’éviction de M. Faber, le conseil d’administration de Danone a réitéré sa conviction en faveur « de la nécessité d’allier un fort niveau de performance économique au respect du modèle unique d’entreprise à mission de Danone ».

Le capitalisme participatif est bel et bien vivant. Bonne nouvelle, car malgré ses défauts, le capitalisme demeure le moyen le plus efficace de sortir les gens de l’extrême pauvreté. Dans un monde où les inégalités se multiplient, la survie du capitalisme – et son évolution – est plus essentielle que jamais.

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